09 NOVEMBRE 2014

La peur de soi – thème du jour – peut-elle aller jusqu’à la peur du ridicule auquel on s’expose parfois ? Exercice en temps réel et en vraie grandeur…
Deux confidences pour le prix d’une. D’abord, il m’arrive d’être insomniaque. Ensuite, j’ai toujours eu un coupable penchant pour les jeux de mots. Ces calembours que Victor Hugo, qui en était pourtant friand, reléguait au rang de « fiente de l’esprit qui vole ». La mienne ne vole pas bien haut, mais on fait c’qu’on peut. Quand ces deux travers, l’insomnie et le goût des mots, bons ou mauvais, s’unissent, ça donne ceci. Un intermède ludique, dont j’ose espérer, toute contrepèterie bue, qu’il ne sera pas un interlude merdique. Excuse my French.
Au commencement était l’anagramme. L’idée a donc germé hier à la vue de l’affiche des RDC, ce trio d’initiales que j’associais jusqu’alors au rez-de-chaussée ou à l’ex-Zaïre. Que peut-on faire avec la peur, dès lors qu’on la secoue un peu. On peut faire repu. Logique, puisque nous évoquions hier la terreur de le déchéance et du déclassement chez le nanti. On peut aussi, en mélangeant les lettres du Scrabble, obtenir l’adjectif pure au féminin. Pure au féminin : pléonasme avancent les uns ; oxymore rétorquent les autres. La peur à l’état pur, donc. Or, nul n’ignore combien la pureté peut-être, comme la pitié chez Stefan Zweig, dangereuse. Bref, on n’en sort pas. A ce stade, stade du Ray, dirait-on à Nice, et vous écrivez duraille comme bon vous semble, un mot sur cet aphorisme légué par la sagesse réputée populaire : « La peur n’évite pas le danger ». Exact. De même que – les écrivains revanchards le savent – , la peur n’édite pas le vengé. Et que, s’il lui arrive de pousser à l’exode les populations affolées, la peur n’évide pas le Tanger, fut-ce le Tanger si cher à Roland Cayrol.
Passons à l’anagramme phonétique, celui qui se conjugue à l’imparfait ; et même si la faune que nous fréquentons les uns et les autres n’est pas toujours si éthique que ça. La peur nous offre épur, restons sobres, et en version espagnole Peru, pays andin dont la capitale est l’Institut du monde arabe, encore appelé Lima. Il y a enfin uper, Isabelle de son prénom, actrice fétiche de Claude Chabrol, cet autre cinéaste de la trouille, à commencer par celle du scandale.
La trouille, parlons-en. La trouille et son instrument de mesure – tout est mesure, et pas que chez Mozart, spéciale dédicace à Olivier Pourriol – , le fameux trouillomètre. Au passage, je n’ai jamais compris pourquoi, quand la frayeur est à son comble, on a le trouillomètre à zéro. Mais passons. Sur les mots panique et paniqué, je m’abstiendrai, car à cette heure, tous les enfants ne sont pas couchés. Un détour en revanche par l’anxiété et son paradoxe, tant il est vrai que l’on peut éprouver de l’anxiété comme hiver, bref en toute saison. Un germanophone lacanien sur les bords en ferait son miel, car nous y étions et l’Angst – la peur dans la langue de Goethe- y était aussi.
Vient ensuite le vocable détresse. Un mot qui a toute sa place ici en vertu d’une implacable logique. Quand on a peur, il paraît qu’on se fait des cheveux. Qu’on en fasse des tresses, des nattes ou un chignon, peu importe. Sur la psychose, nous porterons bien sûr un regard psychanalytique, que ne récuseront ni les freudiens, ni les jungiens : psychose toujours, tu m’intéresses.
En guise d’épilogue, un détour par l’argot. Pas Largo Wynch, l’autre. Dans la langue verte, donc, on dit avoir la pétoche ou encore « avoir les foies ». J’évoquais hier à cette tribune la caractère parfois salutaire de la peur. Normal : en de certaines circonstances, il n’y a que les foies qui sauvent. Soit, en langage plus conventionnel, il n’y a que l’effroi qui sauve.